samedi 15 mars 2014

#clom_rel De l’originalité des matériels d'enseignement-apprentissage

Semaine 3 (17 mars 2014) Plein feux sur les REL: référentiels et initiatives courantes (vos experts: un panel de cinq)

De l’originalité des matériels d’apprentissage

Une controverse n’a pas levé à propos de la réutilisation des matériels d’enseignement, ce n’est plus nécessaire. Tout de même, on s’évertue aujourd’hui, d’objets d’apprentissage en co-construction du savoir et de partage en ressources libres, à valoriser jusqu’à un certain point la pérennité des connaissances. En faisant un retour sur les origines de la théorie des moyens d’enseignement (théorie issue de l’époque pas si lointaine de l’audiovisuel précurseur du multimédia), on relève quelques principes fondamentaux inhérents à la pratique de l’enseignement à propos de l’originalité des connaissances, des sources, des présentations. Voici quelques réflexions qui militent en faveur de l’originalité, qui enjoignent les enseignants à produire des matériels originaux lorsque pertinent et d’en revendiquer les droits de propriété intellectuelle.

Obstacles théoriques et institutionnels à l’originalité (fusionnés dans la ‘pédagogie’)

Le tout premier obstacle aux ressources éducatives libres tient dans la didactique traditionnelle même.
La théorie anthropologique (universalisante) du didactique (TAD) envisage la diffusion des savoirs dispensés par les établissements de la maternelle à l’université – dans toute la société – et Agostinelli (2008:160) avance qu’en vertu de la transposition didactique, « jamais le savoir savant n’est présent aux élèves ». D’après Chevallard aussi, ce n’est jamais la connaissance brute (savante), originale, qui est proposée aux étudiants ; les connaissances doivent d’abord être « transposées ». À l’origine, la notion de transposition didactique fut formulée par Michel Verret (1975) et elle comportait cinq (5) phases qui fusionnent le cognitif, le pédagogique, le didactique et l’institutionnel : (i) structuration en champs et domaines de connaissance, incluant les savoirs humains non visés par les disciplines ; (ii) dépersonnalisation, détachement des personnes productrices ou utilisatrices de ces savoirs ; (iii) programmation ou découpage en segments ou unités balisées ; (iv) publicité du savoir, c’est-à-dire énonciation de l’intention d’instruire, et (v) contrôle de l’apprentissage.
À l’université, entre la recherche et la mise en forme des résultats aux fins de communiquer et partager des connaissances, il y a tout un travail conceptuel et idéationnel qui s’opère dans l’écrit afin de rendre les idées et la pensée. Il va de soi qu’à l’université la notion de transposition didactique est largement conditionnée par la recherche et ne saurait se limiter aux seuls savoirs socialement admis ni aux strictes frontières disciplinaires, d’autant plus que les étudiants sont souvent encouragés à cheminer au-delà des représentations qui leur sont proposées.
Ne serait-ce pas la levée de cette barrière didactique (institutionnelle), entraînée par le WWW comme plateforme libératrice des savoirs et de l’apprentissage, qui force maintenant le monde éducatif à revoir toutes ses positions (avec les combats d’arrière-garde qui s’ensuivent). Rien maintenant, sauf des interdits encore et encore, n’empêche plus les étudiants curieux et mûs par la soif du savoir, de fouiller, d’extraire et de se construire une tête dès le secondaire et en tout cas bien avant l’université.
Outre cette notion de didactique uniformisante nourrie de produits éducatifs foncièrement prescriptifs dispensés sur le mode de l’intervention (en anglais highly prescriptive instructional design models – Gustafson et Branch 2002:31), l’approche contemporaine des ressources éducatives libres et ouvertes a tout de même dégagé des horizons aux enseignants, sur le mode du compromis (trade-off) – mais peut-être n’est-qu’une phase transitoire. Dans son caractère institutionnel, la rigoureuse démarche de développement du matériel serait devenue la suivante: (i) évaluer le besoin du produit à réaliser (a-t-on besoin du produit ?) ; (ii) le produit sera réalisé et non sélectionné ou modifié à partir de matériel existant (une condition essentielle du design) ; (ii) on mettra l’emphase sur les essais et les révisions (travail collaboratif), et (iv) le produit doit être utilisable par des apprenants soutenus par des tuteurs et non des professeurs (ibid:30). En effet, on ne peut pas faire les deux si on doit s'en tenir à l'un ou l'autre de ces deux programmes (il y en a d'autres):
 - ... pour les enseignants sur le terrain: (i) revoir la nouvelle recherche et l'information, (ii) faire la construction continue de cours, (iii) participer à une collaboration sans précédent, (iv) évaluer les compétences, (v) créer de nouvelles ressources, (vi) se réunir – en tout temps, en tout lieu, (vii) donner des séances d'enseignement et d'apprentissage face à face (ContactNorth) ; 
 -  ... pour les gestionnaires, ce programme|système institutionnel où ce qui est personnalisable est désigné sous 'fournisseur' de la ressource et où la 'ressource' est un objet à évaluer et à référencer, après quoi la ressource est cherchée-utilisée-annotée dans une banque (BREA) qui gère la qualité de l'ensemble du processus.
Réutiliser, certes. Attribuer, certes aussi. Les enseignants-auteurs peuvent relever le défi dans ces termes. Mais dans les circonstances, il faut un nouveau statut d’entrée dans la profession.
Pour ma part, j’entendrai les discours du panel des 5 avec cette oreille.
/HCh
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AGOSTINELLI, S. 2008. Introduction (glossary – glossaire de didactique). Journal of e-Learning and Knowledge Society, 4(2), 155-162. (télécharger le PDF du glossaire Fr-Eng)
AGOSTINELLI, S. 2008. Six questions aux approches françaises des didactiques scientifiques appliquées au e-learning. Journal of e-Learning and Knowledge Society, 4(2), 147-154.
CHEVALLARD, Y. 2008. Didactique fondamentale. Leçons (notes de cours et documents) de didactique données en sciences de l’éducation (licence et master) en 2007-2008. (tiny.cc/68mdj)
CHEVALLARD, Y. et LADAGE, C. 2008. E-learning as a touchstone for didactic theory, and conversely. Journal of e-Learning and Knowledge Society, 4(2), 163-171.
GUSTAFSON, K.L. et BRANCH, R.M. 2002. Survey of instructional development models (4e). New York: ERIC, Syracuse University. (tiny.cc/7ygev)
VERRET, M. 1975. Le temps des études. Paris: Librairie H. Champion.
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